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Cultiver la résonance plutôt que l'épuisement

Nous sommes dans un monde en constante accélération. Celle-ci se manifeste à travers des changements technologiques et sociaux qui progressent à un rythme exponentiel, souvent au-delà de notre capacité à suivre le mouvement. Les outils numériques omniprésents ont profondément modifié notre façon de travailler, de communiquer et de vivre, nous incitant à être constamment plus productifs, performants, réactifs et accessibles. Nous vivons sans avoir conscience des fortes pressions venant des modèles diffusés autour de nous et ce, dans un environnement enviro-socio-politico-économique à haut potentiel anxiogène.


Cette pression engendre une surcharge mentale et un stress qui ont un impact direct sur notre bien-être et notre qualité de vie. Au Québec, deux personnes sur cinq (39 %) affirment être souvent stressées avec leur rythme de vie et 48% de la population active et des personnes aux études souhaitent ralentir leur rythme de vie.


Les enjeux sont nombreux au niveau individuel comme collectif : fatigue, détresse, solitude et isolement, relations et cultures de travail malsaines, engagements personnels superficiels et instables, perte de sens, quiet quitting (démission silencieuse), épuisement parental, personnel, professionnel… La liste est longue. Dans les dernières décennies, nous parlons de plus en plus de ces enjeux, cependant trop souvent, au lieu de remettre en question le cadre, le système dans lequel nous vivons, nous le banalisons et responsabilisons uniquement les individus. 


On pourrait résumer tout cela en parlant d’une certaine déshumanisation ressentie associée à une forme d’impuissance. 


Alors, comment retrouver un sentiment de puissance, de sens et de connexion  ? 

C’est ce que nous nous proposons d’explorer ensemble aujourd’hui dans ce premier texte d’une série portant sur le thème de cultiver la résonance. 


filet de nuage rose à l'aube dans une ciel bleu


Résonner ou effleurer


Productivité, performance et maîtrise de soi, voici trois mots clefs de notre époque.


Les cultures de productivité et de performance se définissent par des croyances ou des actions qui favorisent une productivité à la fois croissante et constante ainsi qu’une haute performance dans différents environnements. Elles s’illustrent par la volonté qu’ont les personnes et la société d’être toujours productive tout en performant à son maximum, et ce au détriment de la santé individuelle et collective.(source : Association pour la santé publique du Québec_ASPQ)


La résonance apparaît  alors comme un contrepoint essentiel. Dérivé du latin "re sonare", signifiant "retentir" ou "faire écho", ce concept évoque la capacité à se laisser affecter par les autres et par ce qui nous entoure. 


Pour reprendre la métaphore utilisée par Harmut Rosa (sociologue et philosophe allemand), la résonance c'est “(...) une relation spécifique entre deux corps dans laquelle la vibration de l’un suscite l’activité propre (la vibration propre) de l’autre. Si l’on frappe un premier diapason, le second, s’il se trouve à proximité, se met à co-vibrer dans sa fréquence propre. La résonance ne se produit que lorsque la vibration d’un corps produit la fréquence propre de l’autre.” (une vidéo explicative sur les diapasons)


Pour Rosa, la "résonance" représente une interaction dynamique et vivante avec le monde, où les individus se sentent profondément touchés et influencés par leur environnement. Ils sont à l'écoute des signaux du monde tout en contribuant activement à son évolution. 


Alors que signifie "effleurer" dans ce contexte ? Effleurer, c’est comme souffler sur nos vies, sur chaque chose que nous faisons, cherchant à tout gérer en même temps, nous perdant dans le multitâche. Nous nous retrouvons souvent à “faire du vent” au quotidien et ironiquement, cela nous laisse à bout de souffle….Tout est fait avec empressement, avec fébrilité, nous nous activons d'une tâche à l'autre  avec cette pression à organiser, gérer, planifier les activités dans toutes les sphères de la vie, tout le temps pour en faire plus avec moins.  Effleurer, c’est aussi survoler ce que nous réalisons et pensons, sans aller au fond : être rapides et efficaces plutôt que posés et attentifs. Quantité vs qualité, superficialité vs profondeur. Mais, quelle charge mentale ! Quel stress ! 


Comment en sommes-nous arrivés à cette culture d'épuisement ?  

Dans son dernier ouvrage "Le stress au travail VS Le stress du travail", Sonia Lupien (neuroscientifique québécoise) inscrit le stress dans le contexte historique du travail, explorant les transitions majeures depuis la révolution industrielle jusqu'à nos jours. Elle y aborde la vitesse de transformation du travail et notre non-adaptation tant collective (organisationnelle) qu’individuelle au fil du temps. De la ferme aux nouvelles technologies en passant par l’industrialisation, elle décrit l’émergence d’une culture du travail de surface, autrement dit : l’affairement. 


L’affairement, c’est cette disposition à faire du multitâche en effleurant tout ce que l’on fait et qui nous donne le sentiment d’être efficaces. Alors que la productivité est le résultat d’un travail de profondeur (concept du "deep work") durant lequel nous sommes concentrés sur une seule tâche au maximum de nos capacités.


Si l’affairement, ce travail de surface donne le sentiment d’être efficace, ce n’est qu’une illusion. En effet, à la longue "Le prix à payer pour le multitâches et l’attention fragmentée est le stress, la surcharge mentale et éventuellement la dépression”. Ce sont clairement des symptômes qui ne contribuent pas à la “bonne santé” de notre sentiment d’efficacité personnelle, c'est-à-dire à la confiance que nous avons en nos capacités de relever des défis, de contrôler notre environnement et donc de mener à bien des actions planifiées. 


Pour Harmut Rosa (sociologue et philosophe allemand), le sentiment d’efficacité personnelle est une recherche de résonance "(...) comme l’espérance de pouvoir atteindre le monde et de le faire parler par sa propre action”.


La recherche de résonance :

C'est l'espoir de laisser une trace de notre passage, de faire une différence dans notre monde.

Cependant, l'accélération et la superficialité érodent notre capacité à cultiver une connexion active et profonde avec le monde. Cela nous engourdit, nous empêchant ainsi de générer des résonances significatives, d’être ce premier diapason qui initie des relations humaines de qualité.


Pour inverser cette tendance, nous devons repenser notre approche du quotidien. Cultiver la résonance demande un effort conscient pour ralentir, pour être pleinement présents et attentifs. Il s'agit de créer un espace mental où l'authenticité et la profondeur peuvent s'épanouir.


Alors, comment vivre davantage en résonance ? 

Nous ne pouvons garantir la résonance, ni même la contrôler, cependant nous pouvons cultiver un terrain propice à l’émergence de celle-ci. Dans la partie suivante, nous vous partageons quelques pistes d’action que nous avons expérimentées au fil du temps afin de cultiver la résonance plutôt que l'épuisement, de créer un peu plus d’espace mental, de présence et de ralentir un tant soit peu le rythme. À vous de prendre là-dedans ce qui vous convient le mieux, qui répond à vos besoins, le reste est compostable. 😉

"Il y a plus dans la vie que d’en accélérer le rythme" Gandhi. 


Brume sur la Loire


 Nos expérimentations pour cultiver la résonance au quotidien :


1- La règle n°1 et non la  moindre, c’est la tâche unique

Si vous êtes adepte depuis fort longtemps du multitâche, ce défi risque d’être particulièrement important pour vous. Il l’est encore et toujours pour nous. Effectuer une seule tâche à la fois favorise la productivité, ne surcharge pas l'esprit et mène à un état d’engagement cognitif. Cela a pour effet de diminuer la réponse biologique au stress. Épuisement repoussé !"


Sortons de l'illusion selon laquelle la performance est liée à la capacité de tout faire simultanément. De nombreux modèles renforcent cette idée, mais penser que nous devons accomplir toujours plus en moins de temps, avec moins de ressources et des ambitions toujours plus élevées, est erroné..


Un oiseau sur une branche courbée sur un fond de ciel bleu -noir à la nuit tombante

Émilie : “J'ai personnellement vécu une thérapie de choc en ayant eu une commotion cérébrale et dès que je ne respectais pas cette première règle, je partais en migraine et fatigue sévère ! Les neurologues m'ont appris que le cerveau n'est pas conçu pour fonctionner en mode multitâche constant, mais plutôt pour se concentrer sur une tâche à la fois. En comprenant cela, j'ai pu entraîner mon cerveau à fonctionner de manière optimale dans tous les aspects de ma vie quotidienne et professionnelle. La tâche unique nous est bénéfique pour optimiser nos capacités de concentration, réflexion, analyse, communication, etc !” 


La tâche unique, c’est faire une seule chose à la fois sans aucune interruption. 
  •  C’est donc prendre son café le matin sans regarder ses courriels et parler à son proche en même temps, 

  • C’est marcher sans écouter un podcast ou sans répondre à un texto. 

  • C'est prendre le temps de savourer un repas sans regarder la télévision ou utiliser son téléphone.


Plusieurs des stratégies suivantes sont basées sur cette règle essentielle. 


2-  Gérer mon temps avec intention et éliminer les distractions :  


Marthe : Entre les rencontres de coaching, ateliers ou formations, mes multiples chapeaux d’entrepreneure m’amènent une longue liste de choses à gérer et je peux facilement être dépassée par celle-ci. J’avais ce projet d’écriture en tête depuis fort longtemps et pour le réaliser, j’ai avant tout dû choisir consciemment d’y accorder toute l’importance que cela exigeait et  j’ai  donc eu à délaisser ou à refuser de mettre mes énergies dans d’autres projets. 


Émilie : Je me discipline à me rappeler qu’à chaque fois que j’accepte un engagement, c’est que je prends le temps pour cela , temps que je n'aurai pas pour autre chose et que donc le cas échéant, je refuse ou replace avec intention.


Choisir & Intention



L'intention agit comme une boussole, orientant nos choix et nos actions. Pour réussir ce projet, je gère mon temps avec intention et j’organise mon agenda en conséquence. Je planifie des périodes régulières d’1h30  et plus (selon les possibilités de mon agenda) de travail en profondeur.

Période durant laquelle, je n’accepte aucune interruption ni auto interruption (ex: aller voir mes courriels 😉) et ce,  même si l’effort cognitif m'ennuie (ben oui ça arrive ! ).


“Une distraction c’est ce qui nous éloignent de ce que nous voulons vraiment.  Une distraction n’est pas une distraction si vous savez de quelle activité elle vous distrait.” Nir Eyal

Pour m’aider à éliminer les distractions durant le travail en profondeur : 

  • Mode travail sans notifications sur mon cellulaire, 

  • Utilisation de l’application Cold Turkey Blocker qui bloque toutes les possibilités de divertissement (application gratuite). 


Le travail en profondeur requiert énergie et concentration, donc il est préférable de l’organiser en respectant notre rythme circadien. Êtes-vous plutôt du matin ou du soir ? 


Selon votre chronotype, il sera nécessaire de prévoir la période de travail en profondeur en conséquence. Par exemple : de mon côté, je suis plutôt une personne du matin, la concentration pour l’écriture est à son maximum tôt en matinée. 


Ajuster à son rythme & sa réalité


3- S’offrir des zones liminales sans attention fragmentée. 


Les espaces liminaux, ce sont les périodes de transition entre deux situations : entre le travail et la vie de famille, entre la période de travail en profondeur et une rencontre par exemple.  Une zone liminale dans laquelle on est fixé sur une seule tâche est reposante tandis que celle durant laquelle nous effectuons plusieurs tâches génère de la fatigue. 


Si comme moi, vous avez l’habitude de surfer quelques minutes sur les réseaux sociaux entre deux tâches ou à la fin de votre journée de travail et bien, sachez que ceux-ci fragmentent votre attention et génèrent de la fatigue plutôt qu’un regain d’énergie. 


Dans les moments de transition, les rituels sont essentiels. Ils ancrent dans le temps et nous aident à donner du sens à nos vies. Qu'ils soient simples ou complexes, conscients ou inconscients, ils ouvrent des brèches dans notre quotidien, élargissent nos horizons et renforcent nos liens avec nous-mêmes et les autres.


Nous reviendrons sur ces zones liminales que nous expérimentons dans les chocs de la vie comme des moments et lieux d'attente, de transition, de brèche au cœur de nos vies et de nos certitudes.



4- Créer des brèches et du sens


Cette quatrième piste semble être en décalage avec notre discussion axée sur l'organisation du temps. Toutefois, elle est fondamentale, et nous ne ferons qu'y toucher brièvement ici afin d'y revenir en détail ultérieurement. Créer du sens, ça passe par les relations humaines. Ça passe par la création de ponts et de brèches. 


Cultiver la résonance en s'aménageant des espaces relationnels sans être pressurisées, des espaces d’amitiés dans lesquels nous pouvons être soi, se montrer vulnérable, être en discussion, se consacrer à des activités nouvelles ou plus lointaines en solo, duo ou groupe (comme en nature, sport, culture..). Ces espaces nous permettent de nous retrouver et de nous égarer en dehors de nos repères habituels, de nos comportements connus et maîtrisés, de brasser les idées, de développer notre compréhension de l'autre et de nous-mêmes en même temps. On se libère, on se challenge, on se découvre, on partage, on crée du sens !


"Il y a une fissure dans toute chose; c'est ainsi qu'entre la lumière." Léonard Cohen

ciel bleu qui apparaît au milieu des nuages


Conclusion


En conclusion, la résonance et la profondeur dans nos vies ne sont pas des luxes mais des nécessités pour notre santé, notre bien-être et notre épanouissement tant individuel que collectif. Nous avons partagé avec vous quelques expérimentations pour cultiver la résonance : favoriser la tâche unique, gérer notre temps avec intention, créer des zones liminales et trouver du sens à travers les relations humaines. Chacune de ces stratégies est une invitation à ralentir, à être pleinement présents, et à cultiver des connexions authentiques avec nous-mêmes et notre environnement.


Ancrage personnel : un temps de réflexion


  • Comment pouvez-vous intégrer ces pratiques dans votre quotidien ?

  • Quels changements remarquez-vous dans votre niveau de stress, votre concentration, et votre sentiment de satisfaction personnelle lorsque vous vous concentrez sur une seule tâche à la fois ?

  • Quelles sont les distractions que vous pourriez éliminer pour favoriser un travail en profondeur ?


Nous vous invitons à partager vos expériences et réflexions avec nous et avec ceux qui vous entourent.


  • Comment pouvez-vous contribuer à créer une culture de résonance dans votre environnement ?

  • Quel est votre premier plus petit pas possible pour vivre en résonance aujourd'hui ?


"Il y a plus dans la vie que d’en accélérer le rythme" - Gandhi



Nous sommes curieuses de connaître vos réactions, réflexions, témoignages et expérimentations : partagez-nous tout cela en commentaires ou écrivez-nous en privé.




Ce texte est une première sur le sujet, restez à l'affût pour la suite.




 

Références

  1. Association pour la santé publique du Québec (ASPQ). Perception sur le ralentissement du rythme de vie - Portrait de la situation au Québec en 2023. Infographie d'un sondage Léger.

  2. Côté-Andreetti, Karine. Ports d'attache. Québec Amérique, 2024.

  3. Harmut, Rosa. Résonance : Une sociologie de la relation au monde. Édition La Découverte, 2021.

  4. Harmut Rosa. Remède à l'accélération. Flammarion, 2021.

  5. Lupien, Sonia. Le stress au travail vs le stress du travail. Éditions Va Savoir, 2023.

  6. Newport, Cal. Deep Work. Éditions Alisio, 2017.

  7. Newport, Cal.Le minimalisme numérique : se reconnecter à l'essentiel dans un monde saturé. Éditions Homme, 2020.

  8. Posca, Julie. Travailler moins ne suffit pas. Éditions Écosociété, 2023.

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